Petite planète, tome 14 : Dick Annegarn, The Tallest Man on Earth

Publié le par Jean Théfaine

dick 2DICK ANNEGARN, “Folk talk”. Sur son premier 33 tours, sorti en 1974, il y avait des titres comme Ubu, Bruxelles, Sacré géranium. De formidables ovnis, en français dans le texte, mais signés et interprétés par un néerlandais longiligne à la voix profonde et repérable entre toutes. Avec, désormais, une vingtaine d’albums au compteur, on peut dire que le grand Dick a fait une belle et inoxydable carrière, sans concession aucune. Son avant dernier opus en date, Soleil du soir, il était allé l’enregistrer au printemps 2008, à New-York, avec le guitariste franco-californien Freddy Koella (né à Mulhouse, membre du groupe Cookie Dingler, dont la Femme libérée fait partie de notre patrimoine tubesque, aujourd’hui installé à Los Angeles), une pointure aussi discrète que recherchée, qui a notamment bossé avec Dylan. C’est apparemment de cette expédition qu’est née chez Annegarn l’irrésistible envie de revisiter à sa façon une grosse poignée de standards du folk et du blues américains. Des airs qui l’habitent depuis sa jeunesse de bourlingueur et qui reprennent une vie singulière dans Folk talk, un CD en V.O., of course, mis en boîte pour partie à Los Angeles, chez Freddy Koella lui-même, pour partie en France, au studio La Fabrique, en compagnie de Jipé Nataf. Le portrait dessiné du hobo qui orne la pochette annonce presque tout d’un contenu “roots” et dépouillé au maximum, puisque, pour habiller la voix, il n’y a, hormis la guitare, qu’un peu de chœurs, un doigt de banjo, de mandoline et d’harmonica.

 


Pour qui a cette culture-là, ce qui est mon cas, l’aventure est une totale réussite. Impossible de citer ici les 14 titres qui composent le tableau, mais ce sont tous des perles mélodiques intemporelles, servies avec cœur et tripes par un “croyant” de la première heure qui n’hésite pas à affirmer : « Ces chansons viennent du fin fond de la cave, et elles me transportent à vingt centimètres au-dessus du sol. » De Careless love à Georgia on my mind, en passant par Don’t think twice, it’s all right ou Love me tender, leur évidence, c’est vrai, est éblouissante. Après Louis Armstrong, Bob Dylan, Leadbelly, Woody Guthrie, Ray Charles, Les Animals, Elvis Presley and co, Dick Annegarn en fait l’imparable démonstration. Que du bonheur, ouais.

 

CD Folk talk, 14 titres, 39’07. Tôt ou Tard.

 

THE TALLEST MAN ON EARTH, “The wild hunt”. The Tallest Man on Earth, alias Jens Kristian Mattsson, est Suédois. Pas spécialement “tall” sous la toise, plutôt petit et maigrelet même, mais tellement doué qu’avec deux albums seulement il est devenu incontournable sur la scène folk. Le premier, Shallow grave, sorti en 2008 (après un EP cinq titres publié en 2007), immédiatement salué par la critique, américaine comprise, révélait sa voix haut perchée (dont le phrasé rappelle fort celui du boss Dylan), son jeu de guitare explosif, son sens inné de la mélodie et son art de conteur. Le second, Wild hunt, a débarqué courant 2010 et c’est un nouveau sans faute. On peut être agacé par le côté acide de son chant aigu, voire parasité par la référence au Commandeur Bob, mais il ne faut surtout pas s’arrêter à ça. Très vite, la magie fonctionne et on se dit qu’on tient là, enfin, un vrai folksinger, dont le talent et l’authenticité crèvent l’écran, là où d’innombrables autres clones, pourtant attachants un moment, ne sont pas arrivés à accrocher la lumière.

 

 

Les dix titres de Wild hunt durent à peine 35 minutes, mais dès la première écoute certains morceaux, pour ne pas dire tous, s’inscrivent dans votre mémoire comme si ça allait de soi. Comme s’était inscrit instantanément dans la mienne, tiens, le… Freewheelin de Dylan.  Chez The Tallest Man on Earth, il y a la même urgence, la même énergie, le même lyrisme, la même émotion immédiate qui génère des images de road-movie. Ce n’est sûrement pas un hasard si les pochettes de Swallow grave (un ciel d’orage ou de crépuscule) et de Wild hunt (une vaste plaine entre chien et loup, balisée par quelques lointains poteaux téléphoniques) se ressemblent si fort. C’est bien de grands espaces et de voyage sans fin que parlent les chansons du Suédois. Un formidable bain de fraîcheur qui fait un  bien fou.

 

CD Wild hunt, 10 titres, 34’06 ; Dead Oceans. Aussi Shallow grave, 10 titres, 30’04 ; Gravitation.

Publié dans Musiques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article