Chorus: le choc sans la musique

Publié le par Jean Théfaine

Dans une précédente chronique, j'avais esquissé un Requiem pour Chorus qui évoquait le stupéfiant passage à la trappe de la revue du même nom, bible trimestrielle de la chanson francophone. Depuis la mise en liquidation, le 22 juillet, l'équipe rédactionnelle, littéralement assommée, ne s'était pas manifestée, attendant de voir comment évoluait la situation. Au moment où le numéro 69 - chiffre érotique, tu parles - aurait dû débarquer dans les kiosques et chez les abonnés, elle a estimé le temps venu de s'exprimer publiquement. Lundi matin, l'AFP diffusait son communiqué où, unanimement (pas un collaborateur ne manque à l'appel) elle dit le choc qu'a été pour elle la "disparition brutale" de son canard de cœur et de tripes. Depuis, la nouvelle s'est enfin répandue comme traînée de poudre dans les médias. Et ça tchatche, et ça cause, et ça s'interroge sur les raisons de la mise à mort du journal, sur la place unique qu'il occupait, bien au-delà de son simple tirage, sur le trou béant que sa suppression entraîne. Le chroniqueur que j'étais, depuis la création de la revue, en 1992, mesure notamment, comme ses collègues, le désarroi qui trotte désormais dans la tête des innombrables "artistes émergents" de la francophonie auxquels Chorus donnait largement la parole, au côté de collègues plus repérés. 
A l'AFP, le Nantais Nicolas Marc, qui avait repris le journal il y a un an, via sa société Millénaire Presse
assure "comprendre et partager la profonde déception des lecteurs et des artistes" et "rend hommage au travail journalistique mené en faveur de la chanson" par les époux Hidalgo et l'équipe de rédaction. Mais il invite ses détracteurs "à ne pas jeter partialement la pierre à un éditeur qui a été le seul à vouloir s'investir dans Chorus", invoquant la crise générale de la presse musicale, la baisse des ventes, l'absence de véritables ressources publicitaires, la défection de subventions. Soit. On pourra toujours discuter de ces raisons, se demander si tout a bien été tenté pour éviter le crash, le fait est là, têtu: Chorus est rayé de la carte. Et c'est une foutue mauvaise nouvelle des étoiles.

Pour info, je vous glisse ci-dessous l'intégralité du communiqué de la rédaction. Et je vous invite vivement à rendre visite au site que celle-ci a ouvert (www.laredactiondechorus.fr). Outre un éditorial commun, on y trouve les papiers qui étaient prêts pour parution, dont un fameux dossier Manu Chao, par Marc Legras. Et puis un index aux milliers d'entrées récapitulant 17 ans  de bonne et belle ouvrage. De quoi filer le bourdon à plus d'un désenchanté.


COMMUNIQUÉ DE LA RÉDACTION DE LA REVUE

CHORUS (LES CAHIERS DE LA CHANSON)

 La Rédaction de Chorus sous le choc de sa disparition brutale
Le numéro d’automne de Chorus, qui devait sortir dans les kiosques le 22 septembre, ne  paraîtra pas. Ainsi en a décidé le gérant de sa société éditrice, Les Éditions du Verbe, qui, après avoir repris celle-ci (dans une situation économique saine) il y a seulement un an, a procédé cet été à son dépôt de bilan. Tous les journalistes de Chorus, responsables de la Rédaction inclus, ont appris avec stupéfaction en l’espace de 48 heures que le prochain numéro auquel ils travaillaient ne sortirait pas et que la société éditrice du titre avait été mise en liquidation judiciaire (le 22 juillet à Nantes, siège de la société Millénaire Presse, copropriétaire avec son gérant, depuis la fin mai 2008, des Éditions du Verbe).

Revue trimestrielle de 196 pages considérée comme la « bible de la chanson franco- phone », Chorus (Les Cahiers de la chanson) avait été créée en 1992 par Fred et Mauricette Hidalgo (déjà fondateurs en 1980 du mensuel Paroles et Musique), qui en étaient toujours rédacteur en chef et secrétaire générale de la rédaction. Le dernier numéro, qui bouclait sa dix-septième année d’existence, aura donc été le n° 68 de l’été 2009 avec Olivia Ruiz à la une, des sujets sur Bashung, Nougaro, Renan Luce, Alexis HK, Maurane, etc.

Extrêmement choqués d’être ainsi placés devant le fait accompli et profondément attristés de la disparition d’un titre aussi emblématique (alors que la cession de la société éditrice avait eu pour seul but d’assurer la pérennité de la revue après une transition de trois ans au moins avec ses fondateurs et son équipe rédactionnelle), les membres de la Rédaction de Chorus ont décidé (par respect envers leur lectorat et les artistes rencontrés) de mettre en ligne dès le 22 septembre une importante partie du numéro d’automne déjà terminée à la date du dépôt de bilan.

On trouvera en outre un éditorial collectif et un index des milliers d’articles consacrés aux innombrables artistes présentés dans la revue depuis 1992 sur le site spécifique www.laredactiondechorus.fr qui permettra aux lecteurs d’être informés de cette disparition aussi soudaine qu’inattendue – et dont les effets risquent de causer un vrai préjudice au monde de la chanson francophone (en particulier aux jeunes talents, dans la découverte desquels Chorus s’était fait une spécialité). Et à défaut désormais de pouvoir joindre la Rédaction par téléphone, fax ou Internet, toutes ses lignes ayant été brutalement coupées début septembre, on peut encore écrire à son adresse postale habituelle : BP 28, 28270 Brézolles.

La Rédaction dans son intégralité :

François Blain (correspondant au Québec), Marie-Agnès Boquien, Jean-Michel Boris (chroniqueur), Michel Bridenne (dessinateur), Thierry Coljon (correspondant en Belgique), Yannick Delneste,
Jean-Claude Demari, Bertrand Dicale, Serge Dillaz, Damien Glez (dessinateur),
Fred Hidalgo (directeur de la rédaction-rédacteur en chef), Mauricette Hidalgo (secrétaire générale de la rédaction), Olivier Horner (correspondant en Suisse), Michel Kemper, Thierry Lecamp,
Marc Legras, Daniel Pantchenko, Jean Théfaine, Stéphanie Thonnet, Michel Trihoreau,
Michel Troadec, Jacques Vassal, Francis Vernhet (photographe) et Albert Weber.
 
 

Publié dans Toutes les musiques

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P
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Fidèle abonné depuis les débuts de Chorus, j'ai appris sa disparition aujourd'hui.<br /> <br /> Stupéfait et abattu, je me demande encore si ce n'est pas un mauvais rêve.<br /> <br /> Ma première réaction à chaud est de vous demander s'il ne serait pas envisageable d'imaginer la création d'un site Internet avec accès payant, où le contenu rédactionnel serait proche du journal<br /> papier.<br /> <br /> Je ne sais pas si cette idée est économiquement réalisable, mais je pense que beaucoup de lecteurs fidèles seraient ravis de pouvoir s'abonner afin de lire (ou télécharger) la version électronique<br /> des cahiers de la chanson: pas de frais de distribution, support immatériel... N'y a-t-il pas une piste ?...<br /> <br /> Il est impensable qu'une revue unanimement appréciée, à juste titre disparaisse, laissant le champ libre à la médiocrité grandissante.<br /> <br /> <br /> J'espère avoir de vos nouvelles et reste mobilisé pour vous aider d'une façon ou d'une autre à traverser cette douloureuse épreuve.<br /> <br /> Pascal Clochard<br /> St-Martin-Le-Beau (37)<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Merci pour votre réaction, qui fait chaud au cœur. Dans l'immédiat, vous pouvez vous connecter sur un site internet ouvert spécialement par l'ex-rédaction (unanime) de Chorus<br /> <br /> www.laredactiondechorus.fr<br /> <br /> Des actions importantes sont en train de se mettre  en place, que vous pourrez suivre sur ce site ou sur mon blog. Cordialement vôtre. <br /> <br /> <br />