Les vies liées de Lavilliers, par Michel Kemper
Les biographies de Bernard Lavilliers ne sont pas légion, le “fauve d’Amazone” n’ayant aucun goût pour les lumières trop crues qui pourraient mettre à mal sa légende. Les rares “portraits” du Stéphanois qu’on pouvait trouver jusqu’ici en librairie manquaient, pour le moins, de rigueur, s’accommodant volontiers des “vérités” officielles mille fois colportées. Avec Les vies liées de Lavilliers, un bouquin de 380 pages paru courant novembre chez Flammarion, Michel Kemper a fait le pari de l’investigation. Non pas pour démolir un artiste qu’il aime sincèrement depuis toujours, mais pour tenter de cerner au plus près la complexe personnalité de Nanar. Initialement, il envisageait de défricher le terrain avec l’intéressé lui-même, qu’il a maintes fois rencontré et interviewé en tant que critique musical. Le manager du chanteur avait donné un accord de principe en septembre 2004. En octobre 2006, Lavilliers signifiait qu’il se retirait du projet. C’est donc seul, et en toute liberté, que Michel Kemper – qui avait rejoint en 2003 l’équipe du défunt magazine trimestriel Chorus – s’est collé à la tâche.
Le résultat, c’est un bouquin de funambule qui, jamais, ne met à mal l’œuvre du Stéphanois, mais qui éclaire singulièrement, multiples témoignages et anecdotes à l’appui, l’envers du décor que s’est construit l’artiste au fil du temps. Traquant ce qui lui semble contradictoire, Michel Kemper finit même, paradoxalement, par rendre attachant ce bougre de Nanar, dont on se demande s’il ne lui arrive pas de confondre en toute “bonne foi” sa vie de citoyen avec racines et celle qu’il s’est rêvée. On peut comprendre qu’il ait été contrarié par la sortie d’un livre de ce genre, au moment où paraissait son (excellent) nouvel album, Causes perdues et musiques tropicales. On comprend moins qu’il ait apparemment fait pression, lorsqu’il était interviewé, pour que le livre en question soit passé sous silence. Une raison de plus pour s’y plonger. Et pour visiter le blog de Michel Kemper (http://nosenchanteurs.wordpress.com/) qui revient régulièrement sur cette aventure éditoriale et mille autres choses chantantes.
Les Vies liées de Lavilliers, par Michel Kemper, 380 pages. Flammarion, 20 euros.